Régulièrement mon activité professionnelle me met en contact avec des victimes d’agressions, verbales,physiques et sexuelles, la question du pourquoi est assez peu évoquée.
En tout cas dans les premiers temps. La priorité n’est pas de savoir Pourquoi, la priorité réside dans le rétablissement physique et psychologique de la victime.
Cependant la question arrive tôt ou tard. Et c’est tout à fait légitime de comprendre l’événement vécu. Le compendium qui suit est le résultat de plus de 20 ans d’accompagnement, de suivi et de rencontres de victimes. Hommes, femmes, grands, petits, gros, maigres, riches, pauvres, intelligents, honnêtes, truands, calmes, empathiques, avec la même question finale. « Pourquoi moi ? »
Il est acté que l’agresseur reste l’auteur de ses agissements et que la victime reste celle qui les subit. Et que la plupart du temps, rien ne justifie l’agression.
Peut-être serait-il intéressant de rappeler quelques définitions afin de repositionner la compréhension de certains termes (non exhaustif) :
Conflit : Oppositions, différends, désaccords entre deux entités ou deux personnes. La notion de nuisance à l’autre n’est pas la priorité. La résolution du conflit passe par un accord qui puisse satisfaire les deux parties, impliquant que chacun désire effectuer un pas vers l’autre.
Agression : C’est la volonté de nuire à une personne ou à un groupe de personnes de façon brutale et soudaine. L’agresseur choisit l’autre comme sa « proie ». Les agressions se déroulent souvent un même schéma d’application.
Victime : Personne qui subit les effets d’une situation qu’elle n’a pas choisie. D’un point de vue juridique nous sommes « plaignants » et le mot « victime » est une désignation post-jugement.
Revenons donc à la question du Pourquoi je me suis fait agresser ?
Je considère que pour toutes agressions, il existe un lien entre l’agresseur et la personne agressée.
C’est-à-dire qu’un processus s’est mis en place durant toutes les étapes de l’agression. On ne peut se focaliser exclusivement sur la phase finale. Étudier toutes les étapes jusqu’à l’agression est primordial.
Pour comprendre cette relation, observons le monde animal. Ce monde qui comporte tellement de diversités d’espèces encore méconnues et qui génèrent des tas de questions. L’agressivité chez les animaux peut être répertoriée en cinq thématiques :
- La peur d’une situation, d’une rencontre inattendue ou face à un adversaire.
- La faim et donc la prédation.
- Le respect de la hiérarchie du clan ou de la fratrie.
- L’agacement ou l’énervement.
- La domestication humaine, ou la volonté de rendre un animal agressif. (Non naturel)
Prenons la seconde thématique, la faim :
Chronologie d’une attaque.
- Chez les lions, ce sont principalement les lionnes qui chassent.
- Le plus souvent en groupe et de façon structurée.
- Le schéma d’attaque réside dans une chronologie.
- Repérage de la proie – isolée, blessée, la plus proche, lente ou facile à attraper, esseulée ou inattentive.
- Le repérage effectué, les lionnes se positionnent autour de la proie, en général face au vent, restent figées et adoptent une posture d’observation.
- L’attente entraîne deux suites possibles :
L’attaque ou le renoncement.
C’est l’environnement immédiat qui entraînera le choix des lionnes. On verra plus loin que ce paramètre est essentiel sur les agressions entre humains.
- Si c’est le renoncement, l’attaque est remise à plus tard.
- Si l’attaque est choisie, la lionne, par surprise et de façon rapide et violente va se jeter sur sa proie, suivie des autres lionnes. La proie n’a que très peu de chances de s’en sortir vivante.
- Ce temps précis aboutit également à deux suites possibles :
- La proie est capturée et il en est fini de sa vie. Parfois les proies sont encore vivantes au moment de l’ingestion.
- La proie a pu se sauver et échapper à la meute. Que pouvons-nous comprendre de ce processus? Cinq points :
- Toute attaque est voulue et décidée.
- Le choix de la proie est en lien avec la faisabilité plus que par le défi. Les lionnes ne choisissent pas la proie qui est au milieu du troupeau, mais celle qui est la moins protégée par les autres.
- L’environnement immédiat reste le paramètre essentiel au choix de l’attaque.
- Le renoncement est une option envisagée et non un échec.
La faim est le seul objectif de l’agression. L’objectif n’est pas le plaisir d’agresser ou de nuire par besoin d’alimenter une frustration ou de compenser un déséquilibre émotionnel.
Comparaison n’étant pas raison, l’exemple de la faim n’est pas à remettre en exergue chez l’être humain (sauf pour les peuplades cannibales, je vous recommande le livre de Martin MONESTIER à ce sujet). Chez certains humains, ce n’est pas la faim qui les motive, c’est le plaisir au sens générique du terme. J’ai rencontré nombre d’agresseurs qui m’expliquaient que le plaisir qu’ils éprouvaient à nuire à autrui était parfois leur seul motif.
Le plaisir de surprendre, de faire peur, de frapper, de se battre, de ressentir cette excitation satisfaite ce pouvoir sur l’autre. C’est un plaisir qui peut s’accroître, surtout si l’agresseur possède de bonnes notions d’approche et de maîtrise de l’effet de surprise, avec une bonne condition physique et /ou rompu à l’agression. Mais tous ces éléments ne sont pas nécessaires. Pour certains les pouvoirs de nuire est le seul.
L’agresseur peut n’avoir qu’un seul objectif. La recherche de ces éléments ci-dessus est le plaisir que cela lui procure. Et ce plaisir peut devenir une addiction. Commune perte totale des valeurs fondamentales que sont le respect, l’empathie, la considération…
J’ai le souvenir d’un homme, qui exprimait son plaisir de tuer en chassant. « Savoir que la pression de mon doigt sur la détente va tuer le sanglier…c’est une sensation exceptionnelle! »
Ce plaisir peut également, si l’agresseur est sous l’emprise de produits, illicites ou pas, altérer entièrement son discernement : Alcool, produits stupéfiants, produits médicamenteux, et toutes les autres substances qui modifient le comportement accentuant l’agressivité.
Pour l’agresseur, quel que soit son état, son but est déjà déterminé. Il sait comment, quand et où il va attaquer. Seul un nouveau paramètre peut le faire changer d’avis. Cela peut être une modification de l’environnement, un empêchement concret du passage à l’acte.
Un élan d’empathie est assez rare mais possible !
De façon générique voici la chronologie d’un agresseur :
- Les agresseurs choisissent souvent le même type de victime et agissent selon un schéma classique.
- Sélection – Contrôle de la situation – Effet de Surprise – Agression – fuite
- La victime donne très souvent des indications sur son état d’esprit pré-agression :
- Manque de confiance, repli sur soi
- Attitude craintive, distraite, inattention
- Démarche qui attire l’attention…
Bon nombre d’agresseurs professionnels savent lire ces comportements et les intégrer dans un paramètre de faisabilité.
A savoir également que les allures provocatrices attirent l’attention et sont également des éléments d’intérêts pour les agresseurs. Ici le mot provocateur doit être lu comme un défi. Avant de travailler dans le domaine de la prévention et la détection de situation de danger, j’ai travaillé comme videur en discothèque. Et le comportement de certains clients à l’entrée reflétait leur volonté de confrontation face au videur
ALORS, POURQUOI SE FAIT-ON AGRESSER ?
A mon avis deux raisons principales.
· L’agression que vous avez initié se retourne contre vous.
· Vous n’avez pas été vigilant à votre environnement immédiat.
Explications :
Vous avez initié l’agression.
Vous êtes un agresseur et votre désir est de nuire à autrui. Par effet boomerang, votre agression n’est que la réponse de celui ou celle que vous avez définie comme proie. Vous entrez dans un processus de défense et de danger subi par autrui. Nombre d’agresseurs ne s’attendent pas à une réaction de leur victime. Surprise, peur, déstabilisation émotionnelle rendent toutes réactions de défense exclues. Mais, pour d’autres personnes c’est tout l’inverse et l’agresseur peut se retrouver agressé. Juste retour des choses dans un monde où l’équilibre des forces en actions n’est pas l’essentiel. Ne jamais omettre qu’en cas de confrontation physique, la personne la plus déterminée mentalement à plus de chances de s’en sortir.
L’état d’esprit est plus important que la taille !
Absence de vigilance de l’environnement immédiat.
Chacun est responsable de sa sécurité immédiate. Nous sommes tous acteurs de celle-ci. Il n’y aura jamais un policier derrière chaque citoyen qui le protégera.
L’entraide au moment d’une agression est assez rare et difficile. La seule personne sur qui compter pour assurer votre sécurité c’est vous-même. Et l’unique moyen de diminuer le risque d’agression, c’est la maîtrise quotidienne de votre environnement. Et ceci à chaque seconde, donc en permanence.
Qu’est-ce que cela signifie ? Il est nécessaire de « scanner » votre environnement : Comprendre la situation, les lieux, les comportements, les attitudes, les risques immédiats, les personnes, les réactions et adapter sa propre attitude.
C’est-à-dire avoir une connaissance parfaite du lieu dans lequel vous êtes.
Prenons la situation suivante :
Un bar, un soir, bondé avec musique, alcool, rire, … tout se passe bien. Lorsque soudain une bagarre éclate entre deux personnes. L’effet de surprise est garanti. Comment réagir ?
Certains vont aller se mêler à cette bagarre et intervenir.
D’autres vont fuir car la peur devient leur ennemie.
Savoir comment chacun va réagir à ce moment-là est difficile.
Certains vont appeler, crier, essayer de calmer la situation.
Pour certains la sidération va empêcher d’agir.
Mais avoir perçu les signes avant-coureurs et les indicateurs humains de la modification de l’ambiance du bar sont tout à fait envisageables.
La maîtrise de notre environnement immédiat est la seule garantie qui nous permet d’assurer une vraie sécurité. Le moindre détail doit attirer l’attention. Tout se niche dans le détail de celui ou celle qui est près de vous, du lieu que vous traversez, de l’escalier que vous empruntez, des personnes que vous rencontrez, de la place de stationnement de votre véhicule, de la montée dans le métro, de l’après-midi à la piscine, etc…
Cette maîtrise n’est pas un basculement dans la paranoïa ou l’hyper vigilance, c’est un apprentissage quotidien de la lecture de l’environnement.
La reconnaissance des agresseurs est tout à fait possible lorsque nous arrivons à comprendre et à intégrer en nous la maîtrise quasi absolue de notre périphérie et des personnes qui la compose. C’est le but que je propose aux personnes qui désirent contrôler leur environnement et acquérir les outils de vigilance quotidienne.
Lagence164 propose également des groupes de paroles. Pour toutes questions notre équipe se tient à votre disposition.